L'ÎLE DE LA LOUVE SOLITAIRE
Ce nouveau portrait de loup me permet de présenter une nouvelle approche de la connaissance du loup grâce au dessin.
Chaque texte précédé d'un portrait de loup me permettra d'aborder plusieurs points tels que la représentation artistique de l'animal, toutes les informations recueillies à son sujet ainsi que mes souvenirs de rencontres dans les parcs animaliers.
Quelques mots sous un dessin n'effaceront probablement pas la mauvaise image du loup pas plus qu'ils n'adouciront les difficultés de cohabitation mais l'eau d'une aquarelle peut parfois raviver les couleurs de l'espoir. Cela vaut bien un petit effort de ma part.
Le blog sera bientôt réservé à l'étude de la personnalité lupine dans la littérature et le cinéma. Toutefois une certaine préparation s'impose. Je vous remercie donc d'avance pour votre patience.
Voici un loup gris que j'apprécie particulièrement puisqu'il m'a déjà servi de modèle en 2017.
Cet animal aux traits élégants, photographié lors d'une visite au Safari de Peaugres dans l'Ardèche, attire naturellement le regard. Pourtant je devais absolument éviter de retomber dans le piège tendu par un brûlant soleil d'été, comme se fut le cas pour le portrait "nuances ibériques". Les rayons du soleil peuvent modifier l'apparence des éléments photographiés. Avec un bon appareil photo ainsi qu'une solide expérience j'aurais sans doute pu obtenir un cliché aux couleurs nettes. Malheureusement ce type de matériel représente un investissement trop important. Mon petit appareil photo numérique ne m'a jamais fait faux bond. J'aurais donc tort de m'en plaindre. D'ailleurs il m'arrive parfois de réaliser, appelons cela de la chance, quelques photographies dignes de mes superbes modèles.
D'après certains ouvrages ou vidéos "YouTube" la représentation du loup ne semblerait pas poser trop de problèmes:
"Dessinez quelques figures géométriques,
À l'aide de ces repères placez les traits principaux de votre animal,
Et, si vous vous appliquez un tant soit peu, vous obtiendrez un loup assez réaliste".
Un bon début, certes mais tout à fait insuffisant pour la fourrure. Il faudra d'abord observer attentivement le pelage, non seulement avec les yeux mais aussi avec le coeur. La main suivra les mouvements de cette douce matière comme si elle caressait vraiment la bête et cela prendra du temps, beaucoup de temps! La beauté a un prix: celui de la patience.
L'animal possède un pelage riche en teintes et en nuances diverses, beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Cette remarquable protection faite d'une couche de duvet (poil de bourre) et de longs poils de jarre, imposante après la mue d'automne, puis légère suivant la mue de printemps, enveloppe son corps souple et puissant d'une somptueuse couverture. Véritable don de la nature, façonné par des milliers d'années d'évolution, ce pelage protège, masque, "parle" quelques fois lorsque les longs poils érectiles se dressent de la nuque jusqu'à la queue indiquant une émotion intense chez leur propriétaire. L'animal montre ainsi de la peur ou de la colère. Son allure n'en est que plus imposante. Ce moyen de communication peut parfois désamorcer une situation conflictuelle car, même si le loup semble manifester de l'agressivité, il s'agit avant tout d'une mise en garde destinée à éviter justement de graves blessures. D'une manière plus explicite: "n'insiste pas ou cela va mal finir!". Ce cas de figure, fréquent à l'intérieur d'une meute, ne s'applique généralement pas dans les affrontements entre meutes étrangères, les enjeux étant très différents.
Combien de regards cupides ou frivoles n''ont-ils pas convoité cette belle fourrure, pour le malheur d'une bête affublée de tous les noms et de tous les maux? Pourtant ce "manteau" ne sera jamais mieux porté que par son légitime propriétaire. Nous ne pouvons nier le fait qu'il donne de la prestance à cet animal si charismatique. Néanmoins, cet atout n'est pas l'élément le plus important. Le pelage du loup a deux fonctions indispensables à sa survie. Il protège des intempéries hivernales. La pluie y glisse grâce à une imperméabilité à toute épreuve tandis que la neige reste accrochée en surface et ne fond pas ce qui permet à l'organisme de rester au chaud sous un duvet bien sec. Lorsque la saison chaude approche, l'animal perd cette matière isolante. Sans cela, il ne pourrait réguler sa température corporelle. La fourrure de Canis Lupus possède une autre qualité essentielle pour un prédateur. Grâce à cette couverture de poils, le loup peut ainsi se fondre dans le paysage et passer inaperçu. Ce mimétisme lui permet de surprendre ses proies ou de se rendre invisible lorsqu'une menace pèse sur lui (principalement l'être humain). L'animal occupe de nombreuses régions très différentes les unes des autres, sur pratiquement tous les continents. Cela explique en partie la grande diversité de pelages et de teintes. Ainsi le poil blanc du loup arctique (Canis lupus arctos) disparaîtra dans la neige tandis qu'un loup d'Abyssinie (Canis simensis) au poil fauve surprendra aisément ses proies dans les paysages aux teintes ocres des hauts plateaux de l'Ethiopie.
L'exemple ci-dessus nous permet d'aborder un point important: Canis lupus et canis simensis représentent deux espèces différentes. En effet, le genre "canis" comporte, entre autres membres de la famille des canidés, trois espèces de loups: Canis lupus, Canis simensis et Canis rufus (le loup rouge). Seulement trois? me direz-vous, alors qu'il y a tant de pelages différents! Aussi étonnant que cela puisse paraître, l'espèce Canis lupus, que nous connaissons mieux sous le nom de loup gris, compte de nombreuses sous-espèces. De morphologies et de pelages très variés, ces loups sont répartis sur la plupart des continents (Europe, Asie, Amérique du Nord ainsi qu'une partie de l'Afrique). Leur fourrure, loin d'être exclusivement grise, comporte plusieurs teintes et nuances allant du blanc au noir en passant par les gris, beiges et brun-roux.
Pour clore ce chapitre, nous devons désormais compter une quatrième espèce de loup (définitivement validée après de nombreuses controverses). Il s'agit de Canis anthus ou loup doré africain. Longtemps considéré comme une sous-espèce du chacal doré (Canis aureus), des analyses ADN plus poussées l'ont définitivement classé comme une espèce de loups à part entière. Nous pouvons trouver cet animal dans plusieurs pays d'Afrique du Nord et de l'Est. Je dois hélas mentionner une triste réalité: sur les quatre espèces de loup existant à ce jour, deux sont classées sur la liste rouge UICN. Le loup d'Abyssinie est une espèce en danger avec moins de 500 individus vivant à l'état sauvage, uniquement en Éthiopie. Le loup rouge, quant à lui, est considéré comme une espèce en danger critique d'extinction. Le Canis rufus, pratiquement éteint à l'état sauvage, fait l'objet d'une réintroduction grâce aux programmes d'élevage en captivité.
Avant d'aborder le chapitre dédié à l'histoire de ce portrait j'aimerais ouvrir une parenthèse pour souligner les remarquables performances de la gamme "CARAN D'ACHE Museum Aquarelle". Ces crayons polyvalents sont très agréables à utiliser. Ils nous rappellent que nous n'avons plus affaire à une mine aquarellable mais bien à une véritable aquarelle extra-fine. À sec, leurs pigments sont si puissants que même le blanc (taillé très fin grâce à un cutter) reste visible sur des couches plus foncées quant au "noir d'ivoire" : son trait est tout simplement superbe!. Au contact de l'eau, ils se transforment en aquarelle. L'élément liquide révèle alors toute la délicatesse et la profondeur d'une peinture de haute qualité.
Je souhaitais, dans un premier temps, appliquer un simple fond bleu clair pour accompagner les teintes pastel de mon loup. Puis, sans savoir exactement où cela me conduirait, j'ai laissé mon esprit vagabonder sur l'écume des petites vagues. Enchantée par les prouesses des nouveaux crayons que j'avais patiemment choisis, j'ajoutai ici et là un jaune type "Butternut", un "Ultramarine violet" et un beau "Rose anthraquinone", afin de fondre le "Bleu cobalt veritable" et le "Bleu cobalt clair" dans les doux reflets d'un soleil caressant l'horizon. Alors que je dessinais trois oiseaux marins sans nom (tout au plus des cormorans aux formes imprécises), une histoire germa dans mon esprit (1):
Takaya hurla longtemps, en vain.
Le solitaire appelait sa promise.
Puis un jour la réponse survint
Enfin elle chantait, la louve grise.
Un chasseur ne l'entendit pas ainsi
Un chant ne pouvait l'atteindre
La fin était au bout de son fusil
Comme on pouvait le craindre.
Je crois encore entendre la belle,
Son triste chant à l'aube résonne,
Ecoutez cette mère fière et rebelle!
Elle lance sa plainte monotone.
Ne cherchez pas son domaine,
Sur l'île de la louve solitaire,
Dans mes rêves elle se promène,
Sur son portrait brille la lumière.
Alors je tournai mon dessin et au dos de la feuille, je marquai ces quelques mots:
"L'île de la louve solitaire"
(1) Takaya: voir texte en page d'accueil "Le Solitaire" (section "dessins")
Matériel utilisé:
Crayons CARAN D'ACHE Museum Aquarelle
papier dessin PAINT ON Mix Média Multi-Techniques MIX9 couleurs A5 de CLAIREFONTAINE