"La Louve"
10 septembre 2015
Crayons de couleur aquarellables "Albrecht Dürer" de Faber Castell, Crayons de couleur "Polychromos" de Faber Castell
"LA LOUVE"
Dimanche 14 juin 2015
Il est quatre heures du matin et je ne peux plus dormir. Je parcours d’un air maussade les derniers bulletins météo. Les prévisions ne sont guerre réjouissantes.
La perturbation qui stationnait hier encore sur la Provence se déplace à toute allure vers le Var et les Alpes Maritimes. Je crains à présent qu’elle ne me poursuive jusqu’au Boréon et gâche ainsi la visite que j’attends depuis si longtemps.
6h35 ! Confortablement installée dans l’autocar, je me surprends à penser que les Services Météo se trompent. D’ailleurs, à cet instant, aucune goutte de pluie ne vient troubler le pare-brise du véhicule. Je devrais me sentir rassurée et rayonner de joie, pourtant il n’en est rien. J’éprouve, au contraire, une certaine appréhension à l’idée de m’engager dans la montagne sur une chaussée étroite et probablement détrempée.
Après trois heures de route sous un ciel menaçant je dois me rendre à l’évidence. Nous n’éviterons pas l’orage. D’ailleurs les premières gouttes s’écrasent déjà sur la vitre du car d’excursion à l’instant même où nous nous engageons sur la superbe Route de La Vésubie. Dans le véhicule les conversations se font plus rares. Le ciel chargé de nuages plonge la vallée dans une quasi-pénombre.
Nous poursuivons notre route dans un défilé rocheux balayé par une pluie incessante. Je suis muette d’admiration devant la beauté du paysage. Parfois, de brèves accalmies cèdent trop vite la place à l’orage qui reprend furieusement ses droits. Pendant plus d’une heure, le mauvais temps joue avec nos nerfs. La matinée est déjà sérieusement entamée lorsque nous atteignons enfin le Parc Alpha, au cœur du Parc National du Mercantour. Curieusement, le soleil vient juste de nous accorder un moment de répit en trouant l’épaisse couche de nuages et les montagnes, à présent baignées par les doux rayons de l’astre, nous offrent un spectacle éblouissant.
Mes compagnons d’excursion et moi-même prenons immédiatement d’assaut les fenêtres de l’abri avec la ferme intention de réaliser les plus belles photos. Les loups que nous attendions avec impatience sont tous au rendez-vous, allongés sur l’herbe, devant nos yeux émerveillés.
Je me demande ce que nos « hôtes » peuvent bien penser de tous ces regards fébriles rivés sur eux (oh ! je me doute bien que tous les regards ne sont pas aussi fébriles que le mien mais cette image-là me plait). Les récentes pluies foncent leur pelage gris-marron et renforcent ainsi cette allure sauvage qui fait d’eux des êtres fascinants. Leur truffe maculée de terre hume avec délice les effluves de poulet de leur repas tout proche.
La meute semble si soudée ! Pourtant, alors que je me dirige vers le fond de l’abri, à la recherche d’une fenêtre inoccupée, un loup me fait soudain face. L’animal, écarté du groupe à plusieurs reprises, abandonne momentanément toute tentative d’approche et reste devant moi sans bouger. N’osant croire à cette chance, je prends frénétiquement plusieurs clichés. Notre guide nous apprend qu’il s’agit d’une louve. Ses congénères la repoussent systématiquement depuis un certain temps. Je me pose des questions sur les raisons de ce comportement. Aurait-elle enfreint l’une des règles de son groupe ?
Après avoir lu de nombreux ouvrages sur les loups, je pense que ces puissants animaux, dotés d’armes redoutables, semblent avoir trouvé le moyen de ne pas se laisser dominer par l’agressivité. Cela implique un sens social très développé ainsi qu’une certaine intelligence.
Voici la même louve redessinée deux ans plus tard.
"Le trait du cœur"
"Le chant du sapin"