"Allégeance"
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MEUTE OU FAMILLE.
Comme je l'exprimais déjà dans le paragraphe "Pourquoi choisir le loup comme modèle?" nous admirons sans doute l'animal parce qu'il s'adapte inlassablement aux conditions de vie que nous lui imposons. De fait, après avoir résisté aux persécutions il tente à présent de trouver des solutions face à la raréfaction de certaines proies sauvages et surtout face à la multiplication des infrastructures humaines sur ses territoires. Outre les faits que je viens d'énoncer, j'ai l'intime conviction que les loups nous fascinent avant tout parce qu'ils ont une structure sociale quasi identique à la notre.
Lorsque j'abordais pour la première fois le chapitre de la meute de loups (page II "Unis pour la vie"), ma vision de leur organisation sociale était assez sommaire. Je m'en rends très bien compte à présent. J'ai dû travailler pendant plusieurs mois sur l'ouvrage de L.David MECH et Luigi BOITANI: Les loups, Comportement, Écologie et conservation. La hiérarchie telle que je la décrivais dans le chapitre "Unis pour la vie" (voir page II) existe sans doute dans certaines meutes vivant en captivité. Lorsque des animaux qui n'ont souvent aucun lien de parenté tentent de s'affirmer cela peut donner lieu à des comportements agressifs. Une fois sa position clairement établie l'alpha n'hésitera pas à marquer son autorité de quelques coups de dents bien ressentis et les contrevenants resteront à l'écart de la meute le temps de se faire oublier. Voici sans doute la mésaventure vécue par la louve dont je parlais dans mon texte en page I. Toutefois, il ne faut pas croire que l'agressivité règne constamment dans les parcs animaliers. La plupart du temps, en particulier chez les loups, la bonne entente semble de mise et nous assistons plus à des manifestations de coups de langue respectueux voire même affectueux sur le museau du chef de meute que de comportements agressifs. Cependant, lors des nourrissages, les soigneurs veilleront à toujours servir l'alpha en premier.
Dans la vie sauvage, les meutes sont des cellules familiales gérées par l'autorité parentale et nous préfèrerons utiliser les termes de couples dominants (ou couples reproducteurs) plutôt qu'alpha. Si certains d'entre nous perçoivent la meute comme un reflet de leur propre famille, avec un père et une mère ainsi que leur progéniture, ce n'est sans doute pas un hasard. Inutile de revenir sur le rôle de la louve qui, comme toutes les mères, nourrit, soigne, protège et éduque ses petits. Il est plus surprenant, en revanche, de voir le comportement du mâle reproducteur. Celui-ci va se révéler un père exemplaire, l'un des meilleurs du monde animal. Il chasse pour sa compagne allaitante et monte la garde près de la tanière. Ce père modèle redoublera de vigilance dès la première sortie des louveteaux. Quant aux frères et sœurs aînés, ils participent eux aussi au nourrissage, à la garde et d'une certaine manière à l'éducation de leurs benjamins. Ils s'émanciperont probablement dans un an mais, en attendant, ils font preuve d'une grande patience, en particulier lorsque ces jeunes effrontés leur mordillent la queue ou les oreilles. Ce bel exemple de solidarité familiale m'aide à comprendre ce qu'est vraiment une meute de loups. Je ne peux, toutefois, me contenter d'une définition aussi sommaire.
L'évolution a conduit les loups vers un mode de vie hautement social, une structure complexe dans laquelle chacun met ses propres aptitudes au service de la communauté et plus particulièrement des nouveau-nés. Mais quand et comment les loups ont-ils acquis la certitude qu'en privilégiant les portées du seul couple reproducteur ils offriraient aux louveteaux plus de chances de survie? À l'heure actuelle, je l'ignore. C'est justement grâce à genre de question que l'étude d'une espèce aussi évoluée devient passionnante.
(Suite sur la page: "Portraits de loups VI")
"Un air de famille"
"La force d'être ensemble"